Une perception des révolutions arabes en Occident
Lorsque Mohamed Bouazizi, vendeur de légumes tunisien âgé de 26 ans, s’est immolé par le feu le 17 décembre 2010, il était loin de se douter que son geste allait être le commencement d’une ère politique nouvelle pour le Moyen-Orient. La révolution tunisienne a surpris le monde et l’Occident bien plus encore. L’Europe, habituée à une saine stabilité politique sur les pourtours sud de la Méditerranée, n’a pas vraiment su comment réagir. Après tout, peut-être que la proposition de Michèle Alliot-Marie de fournir au régime de Ben Ali le « savoir-faire » de la France en terme d’ordre public partait d’un bon sentiment… Les évènements arabes ont avant tout mis en lumière le malaise de nos hommes politiques, s’affichant un jour au côté des pires autocrates du monde contemporain, et condamnant le lendemain leurs agissements et la répression brutale dont sont victimes leurs peuples.
Cependant, il serait injuste de blâmer l’Occident pour son soutien tacite à des régimes peu recommandables. L’Histoire n’est que la succession de différentes architectures géopolitiques globales qui se sont succédées et se sont construites au gré des relations de puissance entre les grands Etats. Et les dictateurs arabes se sont un temps inscrit dans cette architecture. Mais il semble aussi que l’Occident ait pris conscience de la portée des évènements survenus au Moyen-Orient et des justes revendications démocratiques des populations opprimées. D’aucuns traiteront Nicolas Sarkozy d’opportuniste : la France a été le premier Etat à reconnaître le Conseil national de transition libyen, et peut être considérée comme le pays initiateur de la résolution 1973 des Nations Unis, celle qui proposa la mise en place d’une no-fly zone au-dessus de la Lybie. On a reproché à Sarkozy de s’approprier ces révolutions arabes avec pour but ultime une représidentialisation de son image ternie sur la scène politique intérieure. Néanmoins, reconnaissons que son initiative a permis d’éviter des massacres bien plus importants en Lybie. La popularité du président français en est donc ressortie fortement grandie parmi les résistants.
Mais ces dernières semaines, le centre de gravité du printemps arabe s’est déplacé vers la Syrie. Il est probable que l’étonnante résistance du camarade Kadhafi ait enlevé les scrupules de l’ami Bachar lorsqu’il fait torturer et massacrer les opposants par centaines. Le rideau pourrait tomber rapidement sur cette tragédie syrienne en cours. Mais l’Occident, bien qu’échaudé par la résistance du Colonel, se doit de prendre des positions claires et de faire plus que « condamner fermement » la répression. S’il est vrai que le soutien russe à Assad demeure aujourd’hui inconditionnel, il ne constitue plus une raison suffisante à notre passivité. La tournure que prend les évènements syriens pourrait permettre à Nicolas Sarkozy et à la France un nouveau coup d’éclat sur la scène internationale ; coup d’éclat dans l’intérêt du peuple syrien, à défaut d’un coup d’Etat démocratisateur comme en Egypte.